La garantie décennale oblige le constructeur à réparer les dommages de nature décennale survenus à son ouvrage durant une période de dix années à compter de la date de réception des travaux.
Il s’agit d’une garantie légale définie par les articles 1792 et suivants du Code civil. Elle fait peser sur le constructeur une présomption de responsabilité à laquelle il ne peut échapper qu’en démontrant la survenance d’une cause étrangère.
Sommaire du dossier :
– Définition de la garantie décennale
– Une obligation légale pour les professionnels du bâtiment
– Quels sont les travaux et ouvrages couverts par la garantie décennale ?
– À quels types de dommages s’applique la garantie décennale ?
– En tant que maître d’ouvrage ou propriétaire : comment faire jouer la garantie décennale ?
Définition de la garantie décennale
La garantie décennale est l’obligation de réparation des dommages compromettant la solidité d’un ouvrage ou le rendant impropre à sa destination. Cette garantie est due par le constructeur au maître d’ouvrage et aux propriétaires successifs de l’ouvrage pendant une période de dix années à compter de la date de réception des travaux.
La réparation des dommages résultant d’un vice du sol est incluse dans la garantie décennale. Seule la cause étrangère permet à un constructeur de s’exonérer de cette garantie.
La garantie décennale s’étend à la solidité des éléments d’équipement si ceux-ci sont indissociables de l’ouvrage. Selon la jurisprudence récente, les éléments d’équipement dissociables sont également susceptibles d’être couverts par la garantie décennale si leur dysfonctionnement rend l’ouvrage entier impropre à sa destination.
Le principe de responsabilité décennale existe depuis la promulgation du Code civil en 1804. Il est défini dans les articles 1792 et suivants.
Présomption de responsabilité du constructeur
La garantie décennale fonctionne sur le principe de la présomption de responsabilité : c’est à dire que le constructeur est présumé responsable des dommages de nature décennale survenus à l’ouvrage ou à l’élément d’équipement, sauf s’il démontre que ces dommages proviennent de cause étrangère (force majeure, fait d’un tiers, faute de la victime).
A contrario, c’est au maître d’ouvrage de démontrer que les dommages sont de nature décennale. C’est à dire qu’ils compromettent la solidité de l’ouvrage / élément d’équipement indissociable, ou rendent l’ouvrage entier impropre à sa destination.
Durée de la garantie décennale
Comme son nom l’indique, la durée de la garantie « décennale » d’un ouvrage est de dix années (article 1792-4-1 du Code civil) à compter de la date de réception des travaux. La réception est l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserves. Cette réception peut être expresse, tacite ou judiciaire.
Articles du Code civil liés à la responsabilité décennale
La garantie décennale est définie dans les articles 1792 à 1792-7 et suivants du Code civil :
- Le principe et le périmètre de cette responsabilité sont définis dans les articles 1792 et 1792-2 ;
- Les personnes concernées sont répertoriées dans les articles 1792-1 et 1792-4 ;
- Enfin, la durée de garantie de dix années après la réception est notifiée dans l’article 1792-4-1 qui précise le délai de prescription des responsabilités et garanties pesant sur les constructeurs ou assimilés.
Une obligation légale pour les professionnels du bâtiment
Le Code civil (article 1792-1) considère que le constructeur d’un ouvrage peut être une personne, physique ou morale :
- Liée au maître d’ouvrage par un contrat (de louage d’ouvrage) : entrepreneur – dont auto-entrepreneur -, artisan, technicien, architecte, maître d’œuvre… ;
- Ou qui vend, après achèvement, un ouvrage qu’elle a construit ou fait construire ;
- Ou qui accomplit, en tant que mandataire du propriétaire de l’ouvrage, une mission similaire à celle d’un locateur d’ouvrage (voir 1er point).
Toutes ces personnes engagent donc leur responsabilité décennale lors de travaux de construction / rénovation.
La garantie décennale est une obligation concernant autant les professionnels du gros œuvre (maçons, terrassiers, charpentiers…) que du second œuvre (peintres, plombiers, électriciens…). Tous ces métiers interviennent en effet sur l’ouvrage en construction ou en rénovation et leurs travaux peuvent être la cause d’un dommage futur de nature décennale.
→ Voir : pour qui la garantie décennale est-elle obligatoire ?
Cas particulier des fabricants d’éléments pouvant entraîner la responsabilité solidaire
Les fabricants d’ouvrage, de partie d’ouvrage ou d’élément d’équipement (Éléments pouvant entraîner la responsabilité solidaire = Epers) sont également et solidairement soumis à responsabilité décennale (article 1792-4 du Code civil).
Cas particulier des sous-traitants
Un sous-traitant du constructeur principal n’est pas assujetti à la responsabilité décennale dès lors qu’il n’existe pas de lien contractuel avec le maître d’ouvrage. La responsabilité du sous-traitant vis-à-vis de l’entrepreneur principal dépend du droit commun des obligations contractuelles.
L’obligation d’assurance de responsabilité décennale
Pour faire respecter l’obligation de réparation des dommages de nature décennale, la loi n° 78-12 du 4 janvier 1978 a exigé des constructeurs la souscription d’un contrat d’assurance de responsabilité décennale (en parallèle de l’obligation d’assurance dommages-ouvrage du maître d’ouvrage).
Cette obligation est définie dans l’article L241-1 du Code des assurances. Vous trouverez ici la liste des personnes, physiques ou morales, obligées de souscrire un contrat d’assurance garantissant leur responsabilité décennale. Attention ! Même en l’absence de souscription d’un tel contrat, le constructeur reste responsable de plein droit des dommages à l’ouvrage de nature décennale. En cas de litige, il devra donc éventuellement réparer financièrement lui-même le préjudice causé.
Quels sont les travaux et ouvrages couverts par la garantie décennale ?
Selon l’article 1792 du Code civil, tous les « ouvrages » sont couverts par la garantie décennale. Le terme d’ouvrage est complexe à appréhender puisque aucun article ou texte de loi n’en donne de définition précise. Cependant, la jurisprudence a, au cours des années, permis d’en façonner le périmètre.
Le terme d’ouvrage comprend ainsi toutes les constructions liées au sol et faisant appel aux techniques du bâtiment. À cela s’ajoute, dans le périmètre de la responsabilité décennale, les éléments faisant « indissociablement corps » avec ces mêmes constructions (article 1792-2 du Code civil).
La garantie décennale s’applique donc sur la plupart des constructions, édifices et bâtiments élevés sur le sol (avec fondation lourde ou légère) incluant :
- les ouvrages de clos et de couvert ;
- les ouvrages de fondation et d’ossature ;
- les ouvrages de voirie et de viabilité ;
- les éléments d’équipement indissociables des ouvrages cités ci-dessus.
Attention ! Pour qu’un élément d’équipement indissociable soit couvert par la garantie décennale, il est nécessaire qu’il ait été installé en même temps que l’ouvrage principal. Dans le cas contraire, il faut qu’il constitue un ouvrage à part entière ou que son dysfonctionnement rende l’ouvrage principal impropre à sa destination.
En cas de rénovation, la garantie décennale couvre en plus les ouvrages existant avant le début du chantier, si ceux-ci sont totalement incorporés dans l’ouvrage neuf et en deviennent techniquement indivisibles.
Nota Bene : la garantie décennale peut s’appliquer sur des ouvrages d’ampleur (maison, immeuble, piscine…) mais également sur des ouvrages plus modestes (mur de clôture, enrochement, terrasse, garage, abri de jardin, etc.). La notion d’élément d’équipement indissociable étend aussi considérablement le périmètre de couverture puisqu’elle inclut tous les éléments dont le remplacement ou le démontage ne peuvent s’effectuer sans enlever de matière à l’ouvrage principal.
→ Voir la liste des travaux et biens couverts par la garantie décennale.
Cas particulier des éléments d’équipement dissociables
Les éléments d’équipement dissociables de l’ouvrage sont aussi couverts par la garantie décennale lorsque leur dysfonctionnement ou leur non-conformité rendent l’ouvrage entier impropre à sa destination, ou provoquent un dommage rendant l’ouvrage entier impropre à sa destination.
Un élément d’équipement dissociable peut également être entièrement couvert par la garantie décennale s’il constitue lui-même un ouvrage à part entière (d’un point de vue juridique, il ne s’agit alors plus d’un élément d’équipement).
À quels types de dommages s’applique la garantie décennale ?
Conformément à la définition fournie par le Code civil, pour être réparés au titre de la garantie décennale, les dommages à l’ouvrage ou à un élément d’équipement doivent être d’une gravité certaine. C’est à dire qu’ils doivent :
- affecter la solidité de l’ouvrage ou de l’élément d’équipement indissociable (caractère matériel, touchant par exemple la structure ou les fondations) ;
- ou rendre l’ouvrage entier impropre à sa destination (caractère fonctionnel, notion plus subjective façonnée par la jurisprudence, voir la définition).
→ Voir les types de dommages couverts par la garantie décennale.
Les dommages d’une importance moindre et ne répondant pas à la définition ci-dessus peuvent être couverts soit par la garantie de parfait achèvement (1 an), soit par la garantie de bon fonctionnement (2 ans), soit par la responsabilité contractuelle de droit commun.
En tant que maître d’ouvrage ou propriétaire : comment faire jouer la garantie décennale ?
En tant que maître d’ouvrage ou propriétaire de l’ouvrage, il existe plusieurs solutions pour demander au constructeur la réparation de dommages de nature décennale.
Cependant, avant de vous engager dans une telle procédure, vérifiez bien la nature décennale de ces dommages (voir ci-dessus). Si celle-ci n’est pas démontrée, le constructeur n’a aucune obligation d’intervenir au titre de la garantie décennale. Dans ce cas, selon la nature du dommage, il est peut-être possible de lui demander d’intervenir au titre de la garantie de parfait achèvement, de la garantie biennale ou même de la responsabilité contractuelle de droit commun.
Si vous disposez d’un contrat d’assurance dommages-ouvrage
Déclarez directement le sinistre à votre assureur dommages-ouvrage (modèle de lettre). Celui-ci entamera alors une procédure de sinistre telle que codifiée à l’article L242-1 du Code des assurances.
Vous n’aurez aucune relation avec le constructeur ou son assureur en décennale : l’assureur dommages-ouvrage gérera entièrement la prise en charge de votre sinistre, jusqu’à son indemnisation. Il engagera de son côté une procédure de recours envers l’assureur en décennale du constructeur de l’ouvrage.
À savoir : la souscription d’un contrat d’assurance dommages-ouvrage est une obligation légale pour le maître d’ouvrage, définie à l’article L242-1 du Code des assurances.
Si vous ne disposez pas d’un contrat d’assurance dommages-ouvrage
Deux possibilités s’offrent à vous :
- Contacter le constructeur de l’ouvrage en lui envoyant une mise en demeure de réparer au titre de la garantie décennale les dommages constatés.
Commencez toujours par privilégier la solution amiable. Nombre d’entrepreneurs et d’artisans préféreront éviter une procédure longue et coûteuse et feront le nécessaire pour réparer les dommages. Évidemment, si le constructeur ne se montre pas coopératif, vous n’échapperez pas à une action en justice auprès du tribunal d’instance ou de grande instance. - Si le constructeur n’est pas joignable, n’existe plus ou se montre hostile : contacter directement son assureur en décennale.
En effet, en tant que maître d’ouvrage, vous pouvez demander l’intervention de l’assureur décennale en respectant le principe de l’action directe du tiers lésé contre l’assureur de responsabilité (article L124-3 du Code des Assurances). Ce droit à agir se transmet successivement aux acquéreurs du bien couvert par la garantie décennale.
Évidemment, il est nécessaire pour cela de disposer des coordonnées de l’assureur et du numéro de police d’assurance de l’entrepreneur.
→ Pour aller plus loin, consultez notre article dédié : Comment faire jouer la garantie décennale ?
Vous pouvez également consulter nos lettres types pour obtenir réparation au titre de la garantie décennale.
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Mise à jour le 3 mars 2024 • • •